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    Chers ami(e)s,

    En vous remerciant de votre fidélité, je voudrais vous informer que Terre Lointaine va être en vacances jusqu'à la fin du mois d'août.

    Mais vous pourrez toujours déposer vos commentaires, et je vous répondrai à mon retour.

    Bien cordialement.

    Dông Phong

     

     


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    Monologue 11

     

    Serre les dents et aime-la,

    Même si tu te sens bien las.

    N’aie pas peur de l’inéluctable,

    Pense aux jours encor agréables !

     

                        29.1.2015

     

     

     


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    Papy, conte-nous ta terre lointaine (19) 

      

    19. Le bonhomme de la lune

      

    - Quel beau clair de lune, papy !

     

    - Oui, mes chers petits-enfants, aujourd’hui est la fête de la mi-automne qui nous offre la plus belle lune de l’année. Mais regardez bien l’astre : y voyez-vous le bonhomme assis au pied d’un grand arbre qu’on appelle banian ?

     

    - Ah oui, nous le voyons ! Qui est-ce ? Que fait-il sur la lune ?

     

    - Il s’appelle Caillou, et c’est une très vieille histoire que je vais vous raconter.

     

    Il était une fois un jeune bûcheron très pauvre nommé Caillou. Le seul objet précieux qu’il possédait était la hache avec laquelle il allait tous les jours dans la forêt pour abattre des arbres qu’il revendait aux menuisiers et aux charpentiers.

     

    Un jour, en arrivant devant une grotte au fin fond de la forêt, il entendit des rugissements de douleur : une tigresse était en train de se lamenter en tournant autour des cadavres de ses quatre petits, qui avaient chacun une flèche tirée récemment par des chasseurs en son absence. En effet, les chasseurs s’étaient détalés en laissant leurs proies abattues quand ils entendirent la femelle qui revenait.

     

    Mais la tigresse se calma vite et se dirigea tranquillement vers un grand banian qui se trouvait non loin de là. Avec sa langue, elle ramassa quelques feuilles tombées de l’arbre et les mâcha comme quelqu’un qui chiquait du bétel. Puis en revenant à la grotte, elle étala soigneusement la bouillie de feuilles mâchées sur les plaies de ses petits. Et là miracle : les petits tigres morts se réveillèrent aussitôt et gambadèrent joyeusement autour de leur mère comme si de rien n’était !

     

    « Ce banian possède un pouvoir fabuleux ! », se dit Caillou qui avait observé toute la scène, caché derrière un épais buisson. Puis, quand la tigresse repartit à la chasse, en emmenant cette fois-ci avec elle ses quatre petits ressuscités, il sortit prudemment de sa cachette pour ramasser des feuilles et des graines du fameux banian tombées tout autour, et en emplit sa besace.

     

    Le soir, sur le chemin du retour, Caillou rencontra un vieillard aux longs cheveux argentés couché de tout son long sur un sentier à l’orée de la forêt.

     

    - À l’aide ! gémit le vieux monsieur. Je suis en train de mourir.

     

    Caillou sortit quelques feuilles du banian, les mâcha comme il avait vu faire la tigresse, et les mit dans la bouche du mourant. Aussitôt, le vieillard se mit debout et lui dit :

     

    - Je suis le génie qui préside cette forêt et je voulais te tester après t’avoir vu ramasser les feuilles et les graines du banian. Comme tu es un garçon de grand cœur, je vais te confier un secret : parmi les graines du banian, choisis celle qui a des stries rouges et noires. Plante-la dans ton jardin, et tu auras un banian qui peut ressusciter les morts. Mais surtout, ne l’arrose qu’avec de l’eau propre sinon, au moindre contact avec de l’eau sale, il s’envolera vers d’où il était venu.

     

    Ayant dit cela, pfuitt ! le vieillard disparut dans un éclair éblouissant en laissant Caillou complètement éberlué.

     

    En revenant chez lui, Caillou trouva la seule graine de banian qui portait des stries rouges et noires, et la planta dans son jardin. Puis tous les jours, il alla chercher de l’eau propre au puits communal et l’arrosa.

     

    En quelques mois, l’arbre poussait tellement vite pour atteindre trente ou quarante mètres de haut. Mais Caillou ne savait qu’en faire, car tous les matins, après avoir arrosé l’arbre, il devait partir dans la forêt abattre des arbres pour gagner sa vie. Oui, mes chers petits-enfants, la vie est très dure dans ma terre lointaine, et quand on ne travaille pas chaque jour, on n’a pas de quoi se nourrir, même modestement.

     

    Un jour, ce fut un drame dans le village : son maire, qui était un homme très juste et très apprécié de ses concitoyens, venait de mourir brutalement d’un « mauvais vent »  (apoplexie) alors qu’il était dans la force de l’âge.

     

    Ayant appris cette triste nouvelle, Caillou cueillit quelques feuilles de son banian, les mâcha et les mit de force dans la bouche du mort. Aussitôt, le maire s’étira, se leva plein de vigueur comme auparavant.

     

    Depuis ce jour-là, Caillou acquit la réputation d’un guérisseur qui savait ressusciter les morts. Et chaque fois que quelqu’un mourait, ses proches venaient chercher Caillou pour le faire revivre.

     

    Mais les habitants de la région étaient très pauvres, et jamais Caillou ne leur demandait de le payer, se contentant de quelques offrandes, quand les gens en avaient les moyens : qui un poulet, qui un sac de riz, ou parfois quelques fruits de saison. Pour gagner sa vie, il continuait son modeste métier de bûcheron. Mais il avait toujours dans sa besace quelques feuilles du banian, pour s’en servir quand quelqu’un aurait besoin de ses services en urgence.

     

    Un matin, en arrivant dans la forêt, il rencontra le cadavre d’un beau chien à la fourrure épaisse rayée de rouge et de noir qui flottait à la surface de la rivière. Il le ramena sur la berge et lui administra des feuilles de banian mâchées. Le chien revit aussitôt et ne le quittait plus. « Voilà un bon compagnon », se dit Caillou tout heureux, car seuls les gens riches pouvaient avoir des chiens à cette époque.

     

    Puis un soir, une escouade de soldats arrivèrent chez lui au triple galop.

     

    - S’il vous plaît, venez vite, le supplièrent-ils. La fille du gouverneur vient de se noyer !

     

    Sans hésiter, Caillou cueillit quelques feuilles du banian, et monta sur la croupe du cheval du commandant de l’escouade. Puis, dès son arrivée au palais du gouverneur, Caillou mâcha les feuilles et les versa dans la bouche de la jeune fille noyée. Aussitôt, celle-ci reprit des couleurs, secoua ses longs cheveux mouillés et se releva de sa couche. Et la voilà ressuscitée, plus belle que jamais.

     

    En effet c’était une très belle jeune fille à la peau claire dont les longs cheveux de jais mettaient encore plus en valeur la grâce. Elle était l’unique enfant du gouverneur et de son épouse, et sa perte leur aurait été un grand malheur. Bien sûr, avec sa beauté – et aussi la situation enviable de son père – les prétendants ne lui manquaient pas. Mais à chaque demande en mariage, elle avait toujours refusé, n’ayant trouvé aucun homme à son goût, même si parmi ses prétendants il y eût des princes et des rejetons des plus puissants seigneurs du royaume.

     

    Quand la belle jeune fille se fut bien remise sur pieds, le gouverneur s’adressa à Caillou :

     

    - Merci, bon jeune homme ! Vous nous avez rendu la vie, non seulement à ma fille, mais aussi à moi et à mon épouse. Demandez-moi donc tout ce qui vous plairait dans ce palais, et je vous l’offrirai sans hésiter !

     

    Mais Caillou était fasciné par la beauté de la fille et, en se prosternant devant le gouverneur, il répondit respectueusement :

     

    - Seigneur, j’aimerais demander la main de votre fille !

     

    Le gouverneur fut bien embarrassé, mais sa fille, reconnaissante, intervint :

     

    - Père, voilà le mari que j’attendais depuis des années ! Permettez-nous donc de nous marier.

     

    Le gouverneur ne put qu’acquiescer, d’autant que son épouse approuva aussi le choix de leur fille.

     

    Le mariage fut célébré en grandes pompes devant des centaines d’invités venus de tout le royaume. Seuls les anciens prétendants éconduits l’avaient boudé.

     

    Par la suite, les nouveaux mariés restaient quelques mois au palais du gouverneur, en attendant que la modeste cabane du bûcheron Caillou fût transformée en une confortable demeure, aux frais du gouverneur qui ne refusait rien à sa fille chérie. Enfin, quand sa maison fut achevée et bien meublée, le couple salua les parents, et vint s’y installer. Caillou et sa jeune femme y filaient un parfait amour, en espérant que, rapidement, le Ciel leur permettrait d’avoir de nombreux enfants

     

    La réputation de Caillou se répandait dans tout le royaume. De toutes parts, on l’appela pour ressusciter les morts. Et à chaque absence, il recommanda à son épouse de bien arroser le banian, tous les matins avec de l’eau propre. Parfois il s’absentait plusieurs jours durant, mais toujours en emmenant avec lui son fidèle compagnon, le chien rayé de rouge et de noir qu’il avait sauvé autrefois.

     

    Mais plus le bonheur de Caillou et de sa femme grandissait, plus la haine des anciens prétendants éconduits augmentait aussi.

     

    Puis un jour, profitant de l’absence de Caillou qui était parti exercer son art dans la province voisine, quelques uns de ces garçons jaloux vinrent kidnapper la jeune femme. Celle-ci se défendit vigoureusement mais succomba à la fin sous les coups de ces voyous. Alors, ivres de haine devant la femme qu’ils ne pouvaient pas prendre vivante, ils lui ouvrirent le ventre pour lui voler ses entrailles. En effet, dans ma terre lointaine, les gens croient que les sentiments, dont l’amour, résident dans le ventre et non pas dans le cœur comme en Occident.

     

    À son retour, Caillou ne put que constater le malheur. Il se précipita dans le jardin et, en pleurant, il ramassa quelques feuilles du banian. Il les mâcha soigneusement avant de les introduire dans la bouche de sa femme. Mais aucun effet ne se produisit. Alors, à son grand étonnement, il entendit son chien lui tenir ce long discours dans la langue des humains :

     

    - Maître, je suis en réalité un disciple du génie de la forêt. Il m’avait confié la mission de vous accompagner et de vous aider quand vous aurez des problèmes avec les feuilles du banian. Madame votre épouse n’a plus d’estomac ni d’intestin, donc elle ne peut pas assimiler ces feuilles qui sont ainsi rendues inefficaces. Ouvrez mon ventre, prenez tout mon tube digestif et greffez-le à Madame. Puis vous lui donnerez les feuilles du banian comme vous en avez l’habitude. Quand Madame sera revenue à la vie, s’il vous plaît, prenez de l’argile et façonnez un tube digestif de remplacement que vous remettrez dans mon ventre. Ensuite vous m’administrerez aussi des feuilles de banian. Faites vite ce que je viens de vous recommander, et vous verrez que tout ira bien.

     

    Tremblant de peur et d’espoir, Caillou donna au chien un grand bol d’alcool de riz pour l’anesthésier, puis il lui ouvrit le ventre avec un couteau, préleva son tube digestif et le greffa à sa femme. Après l’opération, il versa doucement dans la bouche de la morte des feuilles de banian mâchées. Lentement, la femme ressuscita à la grande joie de Caillou.

     

    Après de nombreuses embrassades avec sa femme, Caillou courut à la rivière chercher de l’agile pour fabriquer un tube digestif qu’il plaça ensuite dans le ventre du chien. Quand l’opération était terminée, il mâcha de nouveau des feuilles de banian pour soigner le chien qui ressuscita lui aussi aussitôt.

     

    Tout allait donc pour le mieux, diriez-vous, mes chers petits-enfants ! Malheureusement pas tout à fait. Car si la femme de Caillou avait retrouvé la vigueur de son corps, son esprit était quelque peu défaillant : les entrailles de chien ne peuvent pas fonctionner aussi bien que celles des humains. Elle avait des trous de mémoire et oubliait la plupart du temps ce que Caillou lui disait.

     

    Un soir, pendant que Caillou s’absentait un petit moment, la femme se promena dans le jardin pour admirer la pleine lune en attendant son mari. Soudain, prise d’un besoin naturel urgent, elle s’accroupit au pied du banian magique pour uriner. Voilà que la terre se mit à trembler et à se crevasser pendant que le banian s’arracha du sol pour s’élever lentement dans l’air.

     

    Ce fut à ce moment-là que Caillou rentra. En voyant le banian qui s’envolait, il comprit tout de suite : « Ma femme a dû arroser l’arbre avec de l’eau sale ! », se dit-il. Il accourut à toute vitesse, attrapa les racines du banian pour le retenir. Mais il ne faisait pas le poids pour arrêter l’arbre qui montait, et montait haut dans le ciel, jusque dans la lune, avec Caillou accroché à ses racines.

     

    Depuis cet incident, mes chers petits-enfants, nous voyons toujours Caillou et son banian sur la lune.

     

    Et l’on raconte aussi que, à la pleine lune de la mi-automne, Caillou a la permission d’envoyer quelques feuilles du banian magique sur terre pour aider ses anciens frères et sœurs, les humains. C’est pourquoi, cette nuit-là, tout le monde est dehors, non seulement pour admirer et fêter l’astre lunaire, mais aussi pour attendre le miracle.

     

     

    Sources.

     

    ‘‘Sự tích cây thuốc cải tử hoàn sinh hay sự tích thằng Cuội cung trăng’’ (‘‘Légende de l’arbre qui ressuscite les morts ou légende du gars Caillou sur la lune’’), in Nguyễn Đổng Chi, Kho tàng truyện cổ tích Việt Nam (Le trésor des légendes et des contes du Việt Nam), op. cit., t. 1, pp. 895-897.

     

     


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