• Contes et légendes du Viêt Nam (4)

     

    Papy, conte-nous ta terre lointaine (4)

     

    4. Le buffle et le riz

     

    Ah, mes chers petits-enfants, comme vous aimez manger du riz quand papy vous fait la bonne cuisine de sa terre lointaine !

     

    Mais savez-vous, petits gourmands, que la culture du riz exige de nos paysans une longue saison de travaux très fatigants ?

     

    Il faut d’abord labourer et herser la rizière pour ameublir la terre et enlever les mauvaises herbes, et ensuite l’irriguer avec de l’eau qu’on amène en écopant vigoureusement. Ensuite, le dos plié en deux, on pique les plants de riz un à un dans la terre ainsi préparée et inondée. Environ 10-15 jours après, on arrache les plants de riz, les laisse se reposer un jour ou deux, puis on les repique de nouveau un à un dans la rizière. Ce sont des travaux très pénibles : on dit que nos paysans travaillent avec les pieds trempés et la tête brûlée par le soleil ! Enfin, si tout va bien, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu d’inondation, pas de sécheresse, pas d’attaque d’escargots, de vers et d’insectes, on peut récolter le riz quand il est mûr au bout de quatre à cinq mois.

     

    La récolte est aussi un dur labeur : il faut couper à la faucille et lier en bottes les plants chargés de grains de paddy, nom qu’on donne au grain de riz récolté dans son enveloppe rugueuse. On ramène les bottes à la maison, on les bat pour séparer le paddy des pailles. Le paddy est ensuite séché au soleil puis stocké dans d’énormes paniers conservés au grenier.

     

    Enfin pour nous offrir du riz blanc que nous mangeons, les paysans doivent encore moudre le paddy et vanner pour séparer le riz de son enveloppe et du son qui l’entourent.

     

    Voilà, mes petits-enfants, le dur métier des paysans pour permettre aux citadins que nous sommes de manger le riz qui est si délicieux.

     

    Heureusement, pour labourer et herser leurs rizières, les cultivateurs sont efficacement aidés par un merveilleux animal : le buffle.

     

    On raconte que, autrefois il y a très longtemps, quand les humains ne connaissaient pas encore le riz, ils ne se nourrissaient que de plantes et de racines sauvages, avec toutefois de temps en temps des gibiers, quand ils réussissaient à les chasser. Mais ils souffraient souvent de la faim, surtout lors des saisons de sécheresse quand il n’y avait plus aucune plante ni aucun gibier.

     

    Leurs misères émurent un jour l’Empereur de Jade qui règne dans le ciel et qui voit tout. Il réunit alors les saints et les anges pour demander un volontaire qui voudrait bien descendre sur terre pour apprendre aux hommes à cultiver du riz. Au grand étonnement de la céleste assemblée, ce fut l’ange nommé Lumière Dorée qui se porta volontaire pour descendre enseigner aux humains la culture du riz, un secret que détenait l’Empereur de Jade. En effet, l’ange Lumière Dorée était réputé d’être très distrait et aussi très paresseux.

     

    - Mais bon, se dit l’Empereur de Jade, donnons-lui la chance de montrer qu’il est un ange de grand cœur.

     

    Il accepta la mission de Lumière Dorée et lui enseigna, tout bas à l’oreille, le secret de la culture du riz.

     

    Une fois arrivé sur terre, Lumière Dorée trouva que le climat chaud et humide sur terre était très désagréable. Et étant habitué à la douceur du paradis céleste, il se sentit vite très fatigué. Il s’allongea alors sur une bonne couche d’herbes pour faire une petite sieste, pensa-il. Mais il avait dormi pendant plusieurs jours, et au réveil il avait oublié la méthode de cultiver le riz.

     

    L’Empereur de Jade, qui voit tout du ciel, fut très fâché et voulut punir Lumière Dorée : il le changea en buffle et le condamna à brouter l’herbe et à labourer et herser la terre pour enlever les mauvaises herbes.

     

    Cependant l’Empereur de Jade était toujours très soucieux de la souffrance des humains qui avaient faim. Il chargea alors Thần Nông, le dieu de l’Agriculture, de descendre sur terre pour leur enseigner la culture du riz.

     

    Et Thần Nông avait bien rempli sa mission. Le riz poussait abondamment sur terre. Mais c’était du riz céleste : il poussait tout seul sans que les humains eussent à intervenir dans sa culture. Puis à maturité, les grains, gros comme des ballons de rugby, tombaient tout seuls au sol, et roulaient se ranger dans le grenier des maisons.

     

    Les humains étaient très heureux de cette manne. Ils mangeaient bien et pendant toute la première année ils n’avaient plus faim.

     

    Mais l’année suivante, quand les grains de riz roulèrent vers les greniers, ils s’arrêtèrent tous à leur porte en poussant des cris d’horreur. En effet, les humains repus étaient devenus très paresseux : ils avaient laissé leurs greniers très sales, couverts de poussières et d’ordures, et envahis de rats !

     

    L’Empereur de Jade, qui voit tout du ciel, fut de nouveau très fâché, mais cette fois-ci contre les humains. Il ordonna au dieu Thần Nông de redescendre sur terre pour leur donner une leçon.

     

    Celui-ci rassembla les humains puis, devant eux, il prit dans ses mains un grain de riz, gros comme un ballon de rugby rappelons-nous, et l’écrasa en des milliers de petits grains. Il les lança sur le sol et dit aux humains apeurés :

     

    - Maintenant, pour obtenir du riz, il vous faudra travailler durement pour le mériter !

     

    Heureusement pour les humains, le buffle, qui était en réalité l’ange Lumière Dorée, avait tout entendu. Et après le départ du dieu Thần Nông, il leur proposa de les aider dans leur pénible culture du riz.

     

    Depuis, les buffles et les cultivateurs de riz sont devenus des amis inséparables.

     

     

    Sources.

     

    Légendes de la tradition orale.

     

    ‘‘La légende du riz’’, in Phạm Duy Khiêm, Légendes des Terres Sereines, Taupin et Cie Éditeurs, Hanoi, 1943, pp. 262-269.

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    jakez
    Samedi 4 Juillet 2015 à 09:04

    Quel bonheur que de lire ces lignes qui nous offrent une bouffée d'oxygène rafraichissante en cette période de sécheresse et de canicule et si lourde dans la marche trouble et grave du monde actuel.


    Quel bonheur " d'apprendre" que les grains de riz proviennent de la pulvérisation d'un ballon de rugby............( j'ajoute, pour ma part qui n'engage que moi ) en peau de buffle !!! bien sûr !


    Tu vois, ami Dông Phong, tellement pris par ta si jolie histoire, je viens y mettre .......mon grain de riz personnel .....  ou plutôt mon  grain de sel !!!!


    Grand merci à toi, pour cette lecture absolument passionnante.


    En toute amitié,


     


    Jakez


     

    2
    Samedi 4 Juillet 2015 à 14:44

    Merci, cher Jakez.

    Les contes et les légendes vietnamiens ont l'art de raconter des origines fabuleuses des choses banales de la vie.

    Bon weekend,

    Bien amicalement.

    Dông Phong

     

    3
    danydetara
    Samedi 18 Juillet 2015 à 14:25

    un passage chez toi et je vois que tu dois être en vacances

    toujours autant  de joie de te lire;ce texte est supere

    suite à un accident j étais moins présente mais là tout va bien;

    je rentre d un voyage en Inde et d une croisiére

    bien amicalement

    et tu sais combien j aime le Viet Nam

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    4
    Mardi 21 Juillet 2015 à 14:58

    Bonjour Dany,

    Je suis heureux de te retrouver.

    J'espère que tu vas bien.

    Je suis effectivement en vacances à un endroit où l'accès à Internet n'est pas facile.

    A bientôt,

    Très amicalement.

    Dông Phong

     

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