• Chers ami(e)s,

    Dans le cadre du festival "Casa Palabres" de Casa Africa, je suis invité à participer à une table ronde qui aura lieu à Nantes le samedi 7 novembre prochain.

    Veuillez voir le programme ci-dessous.

    Je serai très heureux de vous y rencontrer.

    Dông Phong

     

    Programme Week-end : « Aux Confluences des cultures »

    Samedi 7 novembre  2015

    Maison des Confluences (Nantes, quartier du Clos Toreau)

     

    9h30

    ouverture des portes et accueil autour d'un café, thé...

    Lieu : Bar du Hall

    10h20

    mot de bienvenu par le Président de Casa Africa Nantes et d'un représentant de la Ville de Nantes

    Lieu : Salle diffusion

    10h30

    o table ronde « Identités et diversités culturelles », sous le prisme de la littérature avec :

    - Touhfat Mouhtare-Mahamoud (romancière, Comores)

    - Jeanne-Louise Djanga (romancière, Cameroun)

    - Charline Effah (romancière, Gabon)

    - Hemley Boum (écrivain)

    Lieu : Salle diffusion

    o animation pour les enfants autour du livre avec ASPROBIR

    Lieu : Salle parentalité (1er étage)

    12h30

    o dédicaces des intervenants

    Lieu : Salle diffusion

    o animation musicale avec Geoffroy sur scène

    Lieu : Hall

    de 12h30 à 14h

    pause déjeuné avec des plats colorés

    Lieu : Bar du Hall

     

    14h

    o table-ronde « Passeurs & Passages de cultures » en partenariat avec l'Académie Littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire

    - Nguyen Tan Hung (Dông Phong) : Passeur sous le Vent d'Est

    « Je raconte le Viêt Nam » - Le parcours d'un vétérinaire et érudit d'origine vietnamienne, devenu breton, à travers ses propres publications, 18 livres consacrés à son pays d'origine et à son pays d'accueil. 

    - Malika Pondevie (Chercheur indépendant et artiste plasticienne, de l'ALBPL) : Léon L'Africain

    - Noëlle Ménard (Chancelier de l'ALBPL) : Le legs andalou

    Lieu : Salle diffusion

     

    o animation pour les enfants autour du livre avec ASPROBIR

    Lieu : Salle parentalité (1er étage)

     

    16h15-16h45

    o dédicaces des intervenants

     Lieu : Salle diffusion

     

    o animation musicale avec Geoffroy sur scène

    Lieu : Hall

    16h45-17h30

    concert avec la chorale Kui Bo To

    Lieu : Salle diffusion

     

    18h Fin de la journée 

     

     

     


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  • Papy, conte-nous ta terre lointaine (8)

     

    8. La moustique

      

    - Papy ! Nous sommes piqués par des moustiques ! Sors donc ton pschitt-pschitt pour nous en débarrasser !

     

    - Oh non, mes chers petits-enfants, nous n’allons pas polluer l’atmosphère à cause de quelques malheureux petits moustiques de Bretagne ! Si vous voyez ceux de ma terre lointaine ! Là-bas, ils sont énormes et beaucoup plus nombreux ! Mais il n’y a que le moustique femelle qui pique, le mâle est totalement inoffensif.

     

    - Mais pourquoi seulement la femelle ?

     

    - Bon, asseyez-vous sagement là, et je vais vous raconter son histoire !

     

    Il était une fois un jeune couple de bûcherons qui vivait pauvrement dans un petit village au pied d’une montagne, et qui espérait trouver un jour le précieux bois d’aigle qui le rendrait riche. En effet, ce bois odoriférant se vend encore aujourd’hui aussi cher que l’or.

     

    Ces jeunes gens s’aimaient beaucoup, et quand ils se marièrent, ils se jurèrent de ne jamais se quitter. « Si par malheur, se dirent-ils, l’un de nous meurt, l’autre le suivra immédiatement dans l’au-delà pour lui tenir compagnie ».

     

    Toutefois, très épris, le mari ne savait pas que sa femme, qui était fort belle, cachait bien son jeu, car elle était d’une nature coquette, et ne rêvait que luxe et plaisirs.

     

    Un jour, la femme attrapa la fièvre qui donne froid et mourut de cette effroyable maladie qu’on nomme maintenant paludisme. La douleur du mari fut immense et, se rappelant son serment, il voulut se tuer immédiatement pour suivre son épouse. Heureusement, sa famille l’en empêcha, et le surveillait de près pour qu’il ne mît pas son souhait à exécution.

     

    Le jour prévu pour l’enterrement de la femme, on vit arriver d’on ne sait où un moine étranger.

     

    « Je peux t’enseigner le pouvoir de changer un mort en vivant, dit-il au mari éploré qui n’en crut pas de ses oreilles. Ma méthode est très efficace, car elle a permis de ressusciter de nombreuses personnes déjà mortes. Elle est aussi très simple : il te suffira de prendre le cadavre de ta femme dans tes bras, trois fois par jour, pour lui transmettre ton souffle et ta chaleur. Tu le feras ainsi tous les jours sans t’arrêter, et au bout de trois mois et dix jours, ta femme revivra ».

     

    Rempli de joie, le mari remercia le moine et se mit aussitôt à appliquer sa méthode magique, en espérant sincèrement faire revivre sa bien-aimée. Jour après jour, il offrit son souffle et sa chaleur au corps tout froid de sa femme défunte.

     

    Mais le moine étranger n’était qu’un charlatan, car au bout de quelques jours, le cadavre commença à se détériorer et dégagea une épouvantable odeur, ce qui dérangea énormément tous les voisins qui s’en plaignaient bruyamment. Cependant, le mari ne voulait absolument pas abandonner sa femme. Il décida alors d’abattre des bambous et de construire un radeau pour l’emmener loin du village, sur la mer toute proche.

     

    Après plusieurs jours de navigation, il accosta une île pour se ravitailler. Mais les pentes étaient raides, et il n’y trouva aucune habitation. Il continua de grimper, péniblement jusqu’au sommet d’une montagne perdu dans les nuages, et là brusquement, il se sentit tout léger, et découvrit autour de lui d’innombrables fleurs rares et des centaines de pêchers chargés de fruits.

     

    Soudain, apparut devant lui un très vieux monsieur chauve avec une longue barbe argentée. Le bûcheron comprit tout de suite qu’il s’était égaré sur l’île Thiên Thai, le pays des hommes et des femmes extraordinaires qui ne meurent jamais,  qu’on appelle Immortels et Immortelles. Il se jeta aux pieds du vieillard et lui raconta tout son malheur.

     

    Emu par tant d’amour conjugal, l’Immortel accepta d’accompagner le pauvre veuf jusqu’à son radeau où reposait le corps inerte et à moitié décomposé de sa femme. En y arrivant, l’Immortel ordonna au mari de se piquer le doigt avec son couteau et de verser trois gouttes de sang dans la bouche de sa femme. Et là, miracle ! la jeune femme ouvrit les yeux et ressuscita, plus belle que jamais.

     

    « Ton mari t’a prêté trois gouttes de sang pour te faire revivre, dit l’Immortel à la ressuscitée. Mais toi, l’aimes-tu vraiment et mérites-tu son amour ? »

     

    La femme jura qu’elle adorait son mari et que jamais elle ne décevrait son amour.

     

    « Çà ne fait rien, lui répondit l’Immortel. Quand tu n’aimeras plus ton mari, tu n’as qu’à lui rendre ses trois gouttes de sang ». 

     

    Là-dessus, l’Immortel s’envola vers le sommet de la montagne, sans laisser le temps au jeune couple de se prosterner pour le remercier.

     

    Pendant le voyage de retour, le mari rama jour et nuit, pendant des jours et des jours, pressé qu’il était de ramener la bonne nouvelle à leur village.

     

    Un soir, il dut s’arrêter à l’embouchure d’un fleuve pour aller avec sa femme chercher du ravitaillement auprès d’une auberge qu’ils apercevaient en haut de la falaise. Ils s’y restaurèrent d’une modeste collation, après avoir dépensé toutes leurs maigres monnaies en provisions de riz et de poisson séché, car ils pensaient qu’ils avaient encore plusieurs jours de navigation  avant de retrouver leur foyer.

     

    Sur une autre table de l’auberge, un riche marchand chinois était en train de se régaler d’un gigantesque repas. Frappé par la beauté de la jeune femme, celui-ci en tomba immédiatement amoureux. Il s’empressa d’inviter le couple à sa table pour lui montrer les magnifiques marchandises dont il disposait, soieries, bijoux, et toutes les jolies choses dont pouvait rêver une femme. Mais le mari s’en méfia et, pressé de repartir, il pria sa femme de descendre tout de suite avec lui jusqu’au radeau.

     

    La nuit étant déjà bien avancée, et comme ils étaient tous les deux épuisés par le voyage, ils décidèrent de rester dormir à la belle étoile près de la berge, au lieu de remonter sur leur frêle embarcation.

     

    Pendant qu’ils dormaient encore profondément au lever du jour, le marchand s’approcha en catimini, réveilla tout doucement la jeune femme, et lui fit signe de le rejoindre un peu plus loin. Il lui chuchota à l’oreille qu’il avait encore beaucoup d’autres belles marchandises sur son bateau à voiles, qui mériteraient d’être admirées.

     

    « Venez les voir, lui dit-il. Ce ne sera pas long, car mon bateau n’est amarré qu’à une encablure de votre radeau. Ensuite, vous n’avez qu’à choisir ce qui vous plaira, je vous l’offrirai gratuitement. Vous ferez une bonne surprise à votre époux à votre retour ».

     

    Comment résister à une telle proposition quand on est une femme pauvre qui rêve de luxe et de plaisirs ? La femme se laissa convaincre et suivit le marchand sans faire de bruit jusqu’à son voilier.

     

    Mais une fois monté à bord, le marchand ordonna discrètement à ses matelots de larguer les amarres pour filer toutes voiles dehors. Ensuite, il amena la jeune femme dans les soutes pour lui faire étalage de toutes ses richesses. En effet, il y avait là tant et tant de marchandises, de vêtements brodés, de bijoux étincelants, de lingots d’or et d’argent, que la femme en fut éblouie.

     

    Pendant ce temps, le mari se réveilla et ne trouva point sa compagne à ses côtés. En se levant, il vit le voilier du marchand qui s’en allait, et devina immédiatement sa mésaventure. Il sauta sur son radeau, rama de toutes ses forces pour arriver à la hauteur du bateau. Il héla sa femme :

     

    « Hou, hou, ma bien aimée, es-tu là ? »

     

    La femme apparut par-dessus le bastingage, coiffée comme une reine, habillée d’une robe de brocart et couverte de bijoux.

     

    « Excuse-moi, mon petit mari, j’ai trouvé une bien meilleure vie. Va-t-en, je t’en prie, retourne à notre village de pauvres ! »

     

    « Reviens, la supplia-t-il, reviens ! Pourquoi m’abandonnes-tu de cette manière ? Ne t’ai-je pas donné jusqu’à mon sang pour te faire revivre ? »

     

    Mais la femme, fascinée par ses nouvelles richesses, ne voulut plus rien entendre et lui répondit sèchement :

     

    « Ton sang, tiens, je te le rends ! »

     

    Ayant dit cela, elle prit son épingle à cheveux en or et se piqua un doigt pour faire jaillir trois gouttes de sang. Mais elle tomba aussitôt raide morte, malgré tous les soins du marchand qui, affolé, se précipita pour lui porter secours.

     

    Les âmes de cette femme légère et frivole descendirent rapidement en enfer, et l’Empereur de Soufre qui y règne la condamna à revenir en ce monde pour expier son ingratitude sous la forme d’une moustique.

     

    Il y quelques années quand je visitais ma terre lointaine, un ami très savant me traduisit le langage de la moustique : en volant autour de la personne qu’elle veut piquer, elle ne bourdonne pas en faisant bzz, bzz, bzz comme nous le croyons habituellement ici. Elle murmure en réalité cho, cho, cho (à prononcer tchor, tchor, tchor), ce qui en vietnamien veut dire donne, donne, donne. C’est avec cette prière incessante qu’elle quémande les trois gouttes de sang qui lui permettront de redevenir femme.

     

    Cependant, il n’arrive jamais qu’une moustique puisse piquer quelqu’un trois fois de suite pour obtenir trois gouttes de sang du même homme. Elle restera donc moustique pour bien longtemps encore.

     

     

     

    Sources 

     

    ‘‘Sự tích con muỗi’’ (‘‘La légende du moustique ’’), in Nguyễn Đổng Chi, Kho tàng truyện cổ tích Việt Nam (Le trésor des légendes et des contes du Việt Nam), op. cit., t. 1, pp. 136-139. 

     

    ‘‘Les moustiques’’, in Phạm Duy Khiêm, Légendes des Terres Sereines, op. cit., pp. 95-102.

     

    Lê Quang Du, 2005, communication personnelle.

     

     

     

     


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  • Contrerime d’automne 1

    (Jeu poétique de Temps-Pestif*) 

     

    Venez nombreux à Temps-Pestif,

    Où l’on chante l’automne

    Sans les violons monotones,

    Mais par des vers festifs !

     

     

    * Voir le règlement sur http://temps-pestif.over-blog.org/2015/10/contrerime-d-automne.html

     

     

     

     


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  • L’alcadiade 3

    (Jeu poétique de Temps-Pestif*)

     

    C’était à Ciudad Real,

    Où un nouvel élu alcade,

    Qui détestait fort le futbal,

    Transforma le stade en corral

    Pour y chanter des cavalcades**.

     

    Dông Phong

     

    ** Cavalcade : aventure galante, en langage populaire

                         

    * Voir le règlement sur http://temps-pestif.over-blog.org/2015/07/l-alcaldiade.html 

     

     

     

     


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  •  

    Papy, conte-nous ta terre lointaine (7)

     

    7. Paon multicolore, corbeau noir

    et pie…pie noire

     

     

    - Papy, c’est à l’école vétérinaire que tu as appris le langage du coucou ?

     

    - Mais non, mes chers petits-enfants, on n’a pas besoin d’être vétérinaire pour comprendre les oiseaux ! D’ailleurs vous savez bien que le paon dit « Léon, Léon ! », le corbeau « croa, croa ! » et la pie « tchat, tchat, tchat ! ». Cependant, dans ma terre lointaine, avec ces mêmes oiseaux les gens interprètent leurs cris un peu différemment : pour eux, le paon dit « lạy ông ! », le corbeau « quạ, quạ ! » et la pie « chắt, chắt, chắt ! ». Je vais vous raconter leur histoire, et vous comprendrez ce que disent ces trois oiseaux…en vietnamien !

     

    Autrefois, le paon, le corbeau et la pie étaient trois très bons amis inséparables qui se cachaient dans leur petite forêt, à l’entrée de la jungle. Ils se cachaient ainsi et n’osaient se montrer à personne parce qu’ils se trouvaient très laids. En effet, tous les trois portaient un plumage uniformément grisâtre comme s’ils venaient de sortir d’un bain de boue.

     

    Et, si le corbeau et la pie avaient le corps svelte et bien harmonieux, le paon était disgracieux avec une tête toute petite portée par un long cou, un corps dodu prolongé d’une queue composée d’immenses plumes. Ainsi disproportionné, le paon ne savait pas voler comme ses deux amis : il ne pouvait que marcher, et parfois courir lentement quand un chasseur se présentait. En outre, le paon avec sa toute petite tête n’était pas aussi intelligent et aussi adroit que le corbeau et la pie.

     

    Ce jour-là, il faisait beau car c’était le printemps. Et tous les ans, au printemps, le roi de la jungle, c’est-à-dire le tigre, devait donner bientôt le grand bal lors de la prochaine pleine lune. Tous les animaux étaient amicalement invités à la fête sans craindre d’être dévorés par le tigre : pendant le carême bouddhiste qui dure quarante neuf jours, même le tigre devait être végétarien !

     

    « Mais comment oserons-nous nous présenter au bal royal ? se lamentèrent le paon, le corbeau et la pie. Nous sommes si laids avec notre plumage qui ressemble à de la boue séchée, pendant que tous les autres oiseaux vont se parer de leurs atours multicolores du printemps ! »

     

    Pendant qu’ils se lamentaient ainsi désespérément, voilà qu’arriva un homme de la ville voisine qui portait sur son dos et ses épaules un énorme barda. C’était un peintre qui venait camper à la lisière de la forêt, car il voulait rester là pendant quelques jours pour faire des tableaux de la forêt magnifiquement fleurie de camellias, de rhododendrons, et aussi d’orchidées.

     

    Après avoir planté sa tente, l’homme installa une grande toile blanche sur un chevalet et commença à peindre. Petit à petit, la toile est couverte de couleurs : du rouge, du blanc, du bleu, du vert, du jaune, soulignés d’ombres noires et mis en relief avec de la poudre d’or.

     

    Le paon, le corbeau et la pie qui observaient le peintre de loin en furent éblouis.

     

    «  Voilà ce qu’ils nous faut, se dirent-ils en chœur. Cette nuit nous allons lui emprunter ses peintures et ses pinceaux, et nous nous ferons des parures pour aller au bal du roi ! »

     

    Tout excités, ils attendaient jusqu’à ce que le peintre se retirât sous la tente pour se coucher après son dîner.

     

    Alors, en catimini ils vinrent voler tous les pots de peinture et des pinceaux qu’ils ramenèrent dans la forêt.

     

    Le lendemain, dès le lever du soleil, ils se mirent au travail.

     

    « À toi l’honneur, dirent le corbeau et la pie à leur ami le paon. Comme tu es le plus gros, nous allons nous mettre à deux pour te parer ! »

     

    Ils peignirent d’abord la tête du paon avec des peintures bleue et verte saupoudrées de paillettes d’or. Puis avec un pinceau très fin, ils entourèrent les yeux du paon avec du rouge et du blanc. Ils continuèrent ensuite sur son cou et son corps avec les mêmes coloris déjà utilisés pour la tête.

     

    « Maintenant ouvre les longues plumes de ta queue, ordonnèrent-ils au paon. Et surtout ne bouge pas, car c’est un travail très délicat ! »

     

    Alors le corbeau et la pie dessinèrent minutieusement sur chaque plume de la queue du paon des cercles concentriques bleus, blancs, verts, jaunes avec des reflets d’or. Le résultat en fut magnifique : le paon était aussi beau que le phénix, cet oiseau mythique multicolore que personne n’a jamais vu !

     

    Tout heureux et rempli de reconnaissance, le paon s’adressa au corbeau :

     

    « À toi maintenant ! C’est moi qui vais te peindre. Mais ferme les yeux, car je vais commencer aussi par ta tête comme vous avez fait tout à l’heure pour moi ! »

     

    Le corbeau prit une pose immobile et ferma ses yeux. Mais il les rouvrit bien vite quand il entendit des bruits insolites, boum, boum, boum ! « Quạ, quạ ! », cria-t-il affolé, ce qui veut dire en vietnamien « quoi ? quoi ? ».

     

    Le paon très confus s’excusa de la catastrophe qu’il venait de provoquer : il avait renversé tous les pots de peinture sauf deux, ceux du noir et du blanc. Que faire maintenant ?

     

    « Tant pis, lui dit le corbeau. Peins-moi maintenant avec les deux couleurs qui restent ! »

     

    Le corbeau reprit sa pose les yeux fermés. Le paon s’approcha de lui, et dans sa maladresse il renversa de la peinture noire sur le corbeau de la tête au pied. « Quạ, quạ ! » (« quoi ? quoi ? »), hurla de nouveau le corbeau vraiment remonté contre son ami si malhabile.

     

    Pendant que le corbeau se secouait les ailes pour se sécher, ils entendirent le peintre qui s’ébrouait en sortant de sa tente. Il faudrait faire vite maintenant afin que la pie pût avoir aussi sa robe de bal.

     

    « Chắt, chắt, chắt ! », cria la pie pour presser le paon. En effet, en vietnamien « chắt, chắt, chắt ! » signifie « verse ! verse ! verse ! »

     

    Alors le paon prit les deux pots de peinture noire et de peinture blanche, et les versa sans précaution aucune sur la pie : on dit depuis que cet oiseau porte la robe pie noire, c’est-à-dire blanche et noire.

     

    Quant au peintre, il se mit dans une grande colère, puis il s’élança dans la forêt à la recherche des mécréants qui lui avaient volé ses peintures et ses pinceaux.

     

    Le corbeau et la pie purent s’échapper facilement en s’envolant dans les arbres. Mais le paon fut vite rattrapé par l’homme, car le pauvre animal ne courait pas vite.

     

    « Miam, voilà un bon rôti pour mon pique-nique de ce midi ! », se dit le peintre en se pourléchant les babines.

     

    Alors le paon s’arrêta de courir. Il se retourna vers l’homme et déploya toutes ses longues plumes colorées pour faire sa révérence en lui disant « lạy ông ! lạy ông ! », ce qui signifie en vietnamien « je vous en supplie, monsieur ! je vous en supplie, monsieur ! »

     

    Le peintre fut fort impressionné par la beauté du paon qui faisait la roue et qui savait lui parler si poliment. Il lui épargna la vie et le ramena chez lui pour le faire admirer par ses amis. Depuis, quand le paon aperçoit des admirateurs, il fait la roue en les implorant « lạy ông ! lạy ông ! »

     

    Après le départ du peintre, la vie reprit son cours normal dans la forêt.

     

    Puis quelques jours après, au bal du roi tigre, le corbeau et la pie furent tous les deux ravis de recevoir de chaleureux compliments de la part des hôtes de la jungle, qui trouvaient leurs nouveaux habits très sobres et très élégants par rapport aux plumages bariolés et un peu vulgaires des autres oiseaux.

     

    Mais ce fut la pie qui reçut le premier prix du concours d’élégance. Sa réputation a depuis dépassé les limites de sa forêt, et les hommes ont même imité son habit pour créer leur tenue de cérémonie : la queue-de-pie !

     

     

    Source.

     

    ‘‘Gốc tích bộ lông quạ và bộ lông công’’(L’origine des plumages du corbeau et du paon), in Nguyễn Đổng Chi, Kho tàng truyện cổ tích Việt Nam (Le trésor des légendes et des contes du Việt Nam), op. cit., t. 1, pp. 190-192.

     

     

     

     

     

     

     


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